Les successions

Le souhait des héritiers est de régler de manière rapide, simple et efficace la succession même si elle a une incidence transfrontière.

Nos domaines
d’intervention

  • Litiges entre les héritiers en France et à l’étranger
  • Testaments internationaux
  • Planification des successions internationales
  • Trusts

Les règles applicables aux successions internationales dépendent de la date du décès du défunt : à compter du 17 août 2015 (1 ou. avant le 17 août 2015 (2).

1. Décès survenu à compter du 17 août 2015

Lorsque le décès du défunt est survenu à compter du 17 août 2015, les règles applicables en France sont celles édictées par le règlement (UE) n° 650/2012 du 4 juillet 2012 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions, et l’acceptation et l’exécution des actes authentiques en matière de successions et à la création d’un certificat successoral européen (ci-après le « règlement Successions »).

Applicable aux successions des personnes qui décèdent le 17 août 2015 ou après le 17 août 2015, ce texte permet de planifier sa succession en choisissant sa loi nationale pour régir la dévolution de ses biens. A défaut, est applicable la loi de la résidence habituelle du défunt. Dans les deux cas, la loi applicable à la succession s’applique quelle que soit la nature des biens (meuble ou immeuble) et quelle que soit leur localisation (en France ou à l’étranger).

Choix de la loi nationale. L’article 22, § 1, du règlement Successions prévoit qu’« une personne peut choisir comme loi régissant l’ensemble de sa succession la loi de l’État dont elle possède la nationalité (…) ». L’objectif de cette règle est double. D’une part, « permettre aux citoyens d’organiser à l’avance leur succession en choisissant la loi applicable à leur succession » (règlement Successions, préambule, cons. 38). La logique de planification de la succession légitime le recours à la volonté individuelle dans la détermination de la loi applicable. D’autre part, s’« assurer qu’il existe un lien entre le défunt et la loi choisie (et…) éviter que le choix d’une loi ne soit effectué avec l’intention de frustrer les attentes légitimes des héritiers réservataires » (règlement Successions, préambule, cons. 38). 

Loi applicable à défaut de choix. A défaut de choix, « la loi applicable à l’ensemble d’une succession est celle de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès » (règlement Successions, art. 21, § 1). La question centrale est celle de la localisation de la dernière résidence habituelle du défunt. Dans certains cas, cette localisation sera délicate : que décider lorsque, pour des raisons professionnelles, le défunt était parti vivre dans un autre État pour y travailler, parfois pendant une longue période, tout en ayant conservé des liens étroits et stables avec son État d’origine ? En préambule, le règlement Successions précise que « l’autorité chargée de la succession devrait procéder à une évaluation d’ensemble des circonstances de la vie du défunt au cours des années précédant son décès et au moment de son décès, prenant en compte tous les éléments de fait pertinents, notamment la durée et la régularité de la présence du défunt dans l’État concerné ainsi que les conditions et les raisons de cette présence. La résidence habituelle ainsi déterminée devrait révéler un lien étroit et stable avec l’État concerné, compte tenu des objectifs spécifiques du présent règlement » (règlement Successions, préambule, cons. 23). 

Dans certains cas, la loi de la résidence habituelle du défunt peut n’avoir qu’un lien anecdotique avec la succession : par exemple, le défunt avait été détaché par son employeur dans l’État de sa résidence habituelle et, quelques jours avant son décès, il devait rentrer dans son État d’origine. Dans une telle hypothèse, lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances de la cause que, au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un État autre que celui de sa résidence habituelle, la loi applicable à la succession est celle de cet autre État (règlement Successions, art. 21, § 2). 

Ordre public. L’ordre public français en matière internationale permet de refuser de faire application en France de la loi étrangère normalement compétente pour régir la succession au motif que son application conduit, au cas présent, à un résultat contraire aux principes essentiels de l’ordre juridique français. La Cour de cassation a ainsi jugé qu’ « une incapacité successorale fondée sur la non-appartenance à une religion déterminée est directement contraire aux principes de la loi française et notamment à celui de la liberté de conscience » (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 17 nov. 1964 : Bull. civ. I, n° 505). De même, dans des arrêts Jarre et Colombier, la Cour de cassation a considéré qu’« une loi étrangère désignée par la règle de conflit qui ignore la réserve héréditaire n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français et ne peut être écartée que si son application concrète, au cas d’espèce, conduit à une situation incompatible avec les principes du droit français considérés comme essentiels. » (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 27 septembre 2017, n° 16-13.151, Publié au bulletin. – Cour de cassation, 1re Chambre civile, 27 septembre 2017, n° 16-17.198, Publié au bulletin). Une loi étrangère qui ignore la réserve héréditaire n’est contraire à l’ordre public international français que si elle frappe un héritier qui se trouve dans une situation de précarité économique ou de besoin. L’éviction de la loi étrangère débouche alors sur l’application de la loi française du for en raison de sa vocation subsidiaire.

Prélèvement compensatoire. L’article 2 de la loi du 14 juillet 1819 relative à l’abolition du droit d’aubaine et de détraction offrait à l’héritier un droit de prélèvement ainsi formulé : « dans le cas de partage d’une même succession entre des cohéritiers étrangers et français, ceux-ci prélèveront sur les biens situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en pays étranger dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales ». Saisi par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a considéré que cette disposition « établit ainsi une différence de traitement entre les héritiers venant également à la succession d’après la loi française et qui ne sont pas privilégiés par la loi étrangère ; que cette différence de traitement n’est pas en rapport direct avec l’objet de la loi qui tend, notamment, à protéger la réserve héréditaire et l’égalité entre héritiers garanties par la loi française ; que, par suite, elle méconnaît le principe d’égalité devant la loi » (Conseil constitutionnel, 5 août 2011, déc. n° 2011-159 QPC).  Cette décision a signé la mort la mort du droit de prélèvement tel qu’instauré par la loi du 14 juillet 1819.

Le débat a rebondi avec l’idée de réintroduire un droit de prélèvement pour lutter contre les discriminations entre les hommes et les femmes (Loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République). Il est désormais prévu que « lorsque le défunt ou au moins l’un de ses enfants est, au moment du décès, ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou y réside habituellement et lorsque la loi étrangère applicable à la succession ne permet aucun mécanisme réservataire protecteur des enfants, chaque enfant ou ses héritiers ou ses ayants cause peuvent effectuer un prélèvement compensatoire sur les biens existants situés en France au jour du décès, de façon à être rétablis dans les droits réservataires que leur octroie la loi française, dans la limite de ceux-ci » (article 913, al. 3, du code civil).

La même loi renforce l’office du Notaire puisqu’il est prévu que « lorsque le notaire constate, lors du règlement de la succession, que les droits réservataires d’un héritier sont susceptibles d’être atteints par les libéralités effectuées par le défunt, il informe chaque héritier concerné et connu, individuellement et, le cas échéant, avant tout partage, de son droit de demander la réduction des libéralités qui excèdent la quotité disponible. » (article 921, alinéa 2, du code civil).

Ayant vocation à s’appliquer aux successions ouvertes après le 17 août 2015, la question de la comptabilité de cette règle nouvelle avec le règlement Successions se pose.

2. Décès survenu avant le 17 août 2015 

Lorsque le décès du défunt est survenu avant le 17 août 2015, les règles applicables ont été posées par la jurisprudence française de droit international privé.

Le fait que la succession entraîne la transmission du patrimoine du défunt, considéré comme une universalité (composé d’un actif et d’un passif intimement liés), devrait conduire à soumettre l’ensemble des biens successoraux à une loi unique. En ce sens, la convention de La Haye du 1er août 1989 sur la loi applicable aux successions à cause de mort (non entrée en vigueur en France) déclare applicable « la loi de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès, lorsque le défunt possédait alors la nationalité de cet État » (conv. La Haye, 1er août 1989, art. 3, § 1). Cette loi « régit l’ensemble de la succession, quelle que soit la situation des biens » (conv. La Haye, 1eraoût 1989, art. 7, § 1). Telle n’est toutefois pas l’approche française puisque la Cour de cassation opère une distinction, parmi les biens successoraux, entre les meubles (soumis à la loi du dernier domicile du défunt) et les immeubles (régis par la loi de leur lieu de situation). En définitive, le droit international privé français n’assure l’unité successorale que pour la partie mobilière de la succession.

Succession mobilière. Pour les meubles successoraux, la Cour de cassation a très tôt jugé qu’ils sont soumis à la loi de l’État sur le territoire duquel le défunt avait fixé son dernier domicile (Cour de cassation, Chambre civile, 19 juin 1939, Labedan). L’application de cette règle de conflit soulève parfois une difficulté quant à la localisation du dernier domicile de l’intéressé. Il faut, sur ce point, signaler une triple confusion à éviter. 

Tout d’abord, la notion de dernier domicile du défunt ne se confond pas avec celle de dernière résidence habituelle. Bien que relatif à une succession testamentaire, un arrêt récent en fournit une bonne illustration. En l’espèce, si le défunt « était venu en France en 1991 pour des motifs de santé sans pouvoir revenir à Abidjan, tous les éléments de fait démontraient qu’il avait maintenu ses attaches et ses centres d’intérêts en Côte d’Ivoire et que dans son testament rédigé quelques mois avant son décès, il s’était lui-même domicilié à Abidjan ». La Cour de cassation approuve donc la cour d’appel d’en avoir déduit, cette appréciation étant souveraine, « qu’il n’avait pas déplacé son domicile et que la loi ivoirienne devait s’appliquer à la succession mobilière de Georges X… dès lors que cette loi était celle du dernier domicile du défunt » (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 7 décembre 2005, n° 02-15418 : Bull. civ. I, n° 484). Au travers de cette décision, apparaît clairement le critère de distinction entre la résidence habituelle et le domicile : le domicile, à la différence de la résidence habituelle, suppose un élément intentionnel (qui résultait, au cas présent, du fait que le défunt s’était lui-même domicilié dans son testament à Abidjan). Le domicile s’interprète donc selon les directives de l’article 102 du Code civil.

Ensuite, la notion de dernier domicile du défunt ne se confond pas avec celle de domicile fiscal. Là encore, un arrêt récent en fournit un exemple. En l’espèce, le défunt (résidant fiscal en Suisse) décède en France, laissant pour lui succéder son fils et sa seconde épouse. Le fils fait grief aux juridictions françaises d’avoir déclaré la loi française applicable aux biens immobiliers et aux biens mobiliers dépendant de la succession de son père. Pour la succession mobilière, le fils met notamment en avant le fait que le domicile de son père est en Suisse où il était fiscalement établi. La Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que la cour d’appel « a souverainement estimé qu’il résultait de l’ensemble des circonstances de fait que le dernier domicile du défunt était fixé en France où il vivait avec sa seconde épouse et où était situé le principal de ses intérêts, et non en Suisse, pays avec lequel les éléments de rattachement étaient de pure circonstance et uniquement destinés à satisfaire à une réglementation administrative, de sorte que la loi française était applicable à sa succession mobilière » (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 30 octobre 2006, n° 05-17849).

Ensuite, lorsque le défunt était marié (et que se pose préalablement au partage successoral la question du partage du régime matrimonial), la notion de dernier domicile du défunt se distingue clairement du domicile matrimonial qui constitue un indice pour déterminer la loi applicable au régime matrimonial d’époux mariés sans contrat avant le 1er septembre 1992.

Succession immobilière. Pour les immeubles successoraux, la Cour de cassation a très tôt jugé qu’ils sont soumis à la loi de l’État sur le territoire ils sont situés (Cour de cassation, Chambre civile, 14 mars 1837, Stewart). Cette solution a été très régulièrement rappelée depuis l’arrêt Stewart (not. Cour de cassation, 1re Chambre civile, 21 mars 2000, n° 98-15650 : Bull. civ. I, n° 96. – Cour de cassation, 1re Chambre civile, 20 juin 2006, n° 05-14281 : Bull. civ. I).

Exemple : si le défunt avait son dernier domicile en France mais possédait une maison à Nantes, une maison à Barcelone et un appartement à Cuba, la loi française est applicable aux meubles successoraux et à la maison de Nantes. En revanche, la maison de Barcelone et l’appartement de Cuba sont a priori soumis à la loi étrangère de leur lieu de situation : la loi espagnole pour la première et la loi cubaine pour le second. 

Qualification des biens. Confronté à une double règle de conflit de lois en matière successorale, il faut procéder à la qualification des biens successoraux pour déterminer s’ils sont régis par la loi de l’État du dernier domicile du défunt (biens meubles) ou par la loi de l’État de leur lieu de situation (biens immeubles). La Cour de cassation a ainsi considéré que des parts sociales d’une société anonyme suisse, « donnant droit à l’usage exclusif d’un appartement, de deux caves et d’un grenier à Genève », constituent des biens mobiliers dont la situation à l’étranger est sans incidence sur leur dévolution conformément à la loi française du dernier domicile du défunt (Cour de cassation, 1re Chambre civile, 20 octobre 2010, n° 08-17033 : Bull. civ. I, n° 207). Il faut toutefois garder à l’esprit que, sur le terrain fiscal, des parts sociales d’une société civile immobilière peuvent être qualifiées de biens immobiliers et être imposables à l’ISF en FRANCE (Cour de cassation, Chambre commerciale, 2 avril 2025, n° 23-14.568, Inédit).

Fraude à la loi. L’existence d’une double règle de conflit lois (l’une pour les immeubles et l’autre pour les meubles) a parfois été exploitée pour obtenir l’application d’une loi autre que celle normalement compétente. Une telle fraude à la loi peut résulter d’une modification du rattachement de la succession ou d’une modification de la qualification des biens successoraux. La fraude est le plus souvent le fruit d’une manipulation du facteur de rattachement de la succession internationale. Ce type de fraude est aisé pour la succession mobilière puisqu’il est possible, pour le défunt, de changer la loi applicable en déplaçant sur dernier domicile. Par exemple, s’il dispose d’un important patrimoine mobilier, le défunt qui veut déshériter ses enfants rédige un testament en faveur de sa maîtresse et établit son dernier domicile sur le territoire d’un État qui ne prévoit aucune réserve successorale. 

Ordre public. Comme pour le règlement Successions, l’ordre public français en matière internationale permet de refuser de faire application en France de la loi étrangère normalement compétente pour régir la succession au motif que son application conduit, au cas présent, à un résultat contraire aux principes essentiels de l’ordre juridique français.